- SUICIDE (aspects juridiques)
- SUICIDE (aspects juridiques)SUICIDE, aspects juridiquesDans l’Antiquité, le suicide était non seulement licite, mais aussi souvent recommandé: on se rappelle notamment l’exemple de Socrate buvant la ciguë pour ne pas subir l’affront d’une condamnation capitale; celui de Caton d’Utique, qui se suicida pour ne pas se rendre; enfin celui de Sénèque... À Rome, lorsqu’un individu prétendait échapper à une condamnation capitale par une mort volontaire, ses biens étaient confisqués au profit de l’État; la confiscation n’était pas toutefois la sanction du suicide, mais la conséquence des faits reprochés.Après Aristote, la pensée chrétienne réagit contre le suicide, et les juristes assimilèrent le suicide à un homicide de soi-même; Jousse écrit au XVIIIe siècle: «Il n’est pas permis de se tuer soi-même, pour quelque cause que ce soit. Cette défense est établie non seulement par les lois civiles et canoniques, mais encore par la loi naturelle; parce que l’homme n’est pas maître de son corps.» Quoi qu’il y ait eu de légères différences entre les coutumes (la coutume nuancée de Normandie s’opposait notamment à l’intransigeante coutume de Bretagne), les cadavres des suicidés étaient traînés sur une claie, la face contre terre, puis pendus par les pieds. Ils étaient privés de sépulture, et leurs biens confisqués. La démence du suicidé au moment de l’action enlevait par contre tout caractère délictueux à l’acte. Parmi les affaires célèbres de l’Ancien Régime, citons le cas d’Aimar Ranconnet, président aux enquêtes du Parlement de Paris, qui, accusé d’avoir entretenu un commerce charnel avec sa fille et mis à la Bastille, se suicida pour ne pas subir l’affront d’une condamnation à mort.Le Code pénal français de 1810 ne réprime pas le suicide. Cela étant, il ne saurait y avoir de complicité punissable de suicide, ni même de tentative punissable. Ainsi, celui qui avait laissé à la portée du suicidé, quoique le sachant particulièrement dépressif, une arme à feu chargée échappe en France à toute répression. Or il est clair que son attitude est moralement répréhensible. Aussi, pour pallier ce manque, certaines législations étrangères n’ont-elles pas hésité à créer une incrimination spéciale, la participation au suicide d’autrui: tel est le cas des Pays-Bas, du Japon, du Brésil et de l’Angleterre. Notons cependant que, dans ce dernier pays, la règle est fort peu appliquée.S’il n’incrimine pas le suicide, le droit français positif a, en revanche, recours à des incriminations annexes, voire complémentaires. C’est ainsi que sont incriminés les dommages corporels que pourrait s’infliger l’agent: le Code de justice militaire incrimine la mutilation volontaire. Quant à l’attitude passive que pourrait avoir une personne devant le spectacle d’une autre en train de se suicider, elle pourrait être assimilée à un refus d’assistance à une personne en péril.Mais, en droit, le suicide n’est cependant pas exempt de problèmes. La complicité de suicide n’existant pas, on peut ainsi se demander dans quelle mesure une personne qui a aidé activement le suicidé à arriver à ses fins peut être poursuivable. Supposons en effet un désespéré qui demande à un ami de le tuer parce qu’il n’a pas le courage de mettre lui-même fin à ses jours. Le droit français n’admet pas le suicide par personne interposée active; l’agent actif se rend en effet coupable d’un véritable homicide; le mobile de l’acte ne compte pas, mais seulement l’intention, conformément aux principes généraux du droit pénal français, c’est-à-dire la conscience, la volonté de perpétrer l’acte. C’est selon ces mêmes principes que sont condamnés les homicides pratiqués médicalement, appelés couramment euthanasie.De la même manière, lorsque deux amants ont décidé de se tuer l’un l’autre, par exemple en appuyant dans le même temps la détente de deux revolvers respectifs, et que l’un d’eux seul survit, il est l’auteur d’un homicide volontaire (cf. Alfred de Vigny: Les Amants de Montmorency ). Il en est tout à fait autrement lorsque les amants ont résolu de se suicider ensemble, par exemple en utilisant le même procédé, dans le même temps. Si l’un d’eux survit, il n’a pas commis de meurtre, n’ayant pas participé activement à la mort de l’autre, mais seulement à une tentative de suicide, échappant ainsi à toute répression.
Encyclopédie Universelle. 2012.